Paco Rabanne : le « plastiqueur de la mode » s'est évaporé

Carnet Noir : Paco Rabanne a tiré sa révérence chez-lui, dans sa chère Bretagne.

Son surnom, le « plastiqueur de la mode », est à prendre au premier degré. En effet, il faisait littéralement exploser les conventions et les tabous. Le couturier Paco Rabanne réalisait les premières  tenues métalliques, une matière de prédilection pour lui. Il a travaillé pour les plus grandes dames : Jane Fonda, Audrey Hepburn, Jane Birkin, Carla Bruni, Adriana Sklenarikova (Karembeu). Jane Fonda portait des costumes très sexy signés Paco Rabanne pour son rôle dans « Barbarella » en 1968. Mais les fans de Mylène Farmer se souviennent plus des tenues de lumière du Tour 1996, la deuxième tournée de la chanteuse, dont il était le créateur.

Ses choix très audacieux de matériaux, sa vision avant-gardiste de la mode, sa liberté de création ont impressionné Mylène. « C'est Paco Rabane qui a fait les habits. Et là, j'avoue que c'était un très, très bon moment, en tout cas toute l'élaboration justement des costumes, les idées. J'ai de la chance. », a-t-elle confié à Paris Première le 30 mai 1996. D'ailleurs, ce jour-là, elle portait une robe bleue de Paco Rabanne !

Paco Rabanne sublimait le corps des femmes en captant la luminosité ambiante. Il n'hésitait pas une seconde à utiliser des matières comme l'aluminium, le métal martelé, la côte de maille, le plastique et le graphite. Des pièces uniques qui lui ouvrent les portes du cinéma et du spectacle vivant. Beaucoup ont pu le voir sur Barbarella et d'autres films, lors des défilés, ou encore à l'occasion de concerts. Il était le pionnier du Space Age. Phantasme d'érotisme chic et ultra-séduction qualifient le travail du blockbuster. La mode fut essentielle pour Paco Rabanne, plus encore que les parfums dont Jean-Paul Gaultier est l'héritier.

Mylène Farmer à un goût presque inné pour le dessin, les beaux costumes, la mise en scène et l'érotisme. La rencontre avec Paco Rabanne s'est faite naturellement. Ils avaient en commun la novation, la modernité, l'art du grand spectacle. Les chansons de Mylène ont inspiré le créateur. Elle lui a laissé une liberté totale quant au style des vêtements de chaque tableau du Tour 96. Le textile (plutôt léger) était réservé aux mélodies simples, aux ballades ; le métal habillait les compositions plus rythmées. 45 costumes ont été créés pour cette tournée. La plus flamboyante de nos artistes francophones a très bien su s'imprégner des reflets des tenues. De l'argent, du gris scintillant, du blanc immaculé, des effets miroir, du fard, du vernis pour habiller la belle jusqu'au bout des ongles qui, pour l'occasion, s'anamorphose en kaléidoscope. Plus céleste que jamais, Mylène atteint l'excellence visuelle en adoptant cette mode cosmotique lancée par le plus « allumé » de nos créateurs. Tout ça est subversif à souhait. Et on a vu Mylène brillante comme jamais. La transformation de la chanteuse par rapport au côté obscur de sa force artistique en 1989 est entrée dans l'histoire culturelle contemporaine.

Les hommes n'étaient pas en reste bien sûr avec le prédicateur de mode. Que de surnoms pour ce créateur nous direz-vous ! Il le valait bien. Moins connue que la semaine des femmes, la Fashion Week masculine a mis en valeur quelques pépites très pop tout droit sorties des sixties, juste avant l'avènement libertaire de 1970. Ci-dessous, la collection homme Printemps/Été 2020 aux Galeries Lafayette.

Né au Pays Basque espagnol, le styliste, accessoiriste et parfumeur Paco Rabanne avait un faible pour les grands espaces sauvages. Il affectionnait particulièrement la Bretagne et le Finistère où il résidait. Il est décédé à 88 ans, chez-lui, à Portsall (Ploudalmézeau). Le 3 février 2023, Puig, la société mère de Paco Rabanne, a annoncé la triste nouvelle. Le « métallurgiste de la mode », aux idées vaporeuses parfois, s'est évaporé dans le futur et le cosmos qu'il touchait du doigt. Nous garderons en mémoire son style intergalactique unique.