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Mort d'Agusti Villaronga, réalisateur du clip « Fuck Them All »

Carnet Noir : le réalisateur Agustí Villaronga vient de nous quitter.

Figure incontournable du cinéma espagnol d'avant-garde et anti-franquiste, il avait une vision bien personnelle du « Radeau de la méduse » dans son film « El ventre del mar » (2021). Agustí Villaronga aura surpris plusieurs générations de spectateurs par des images métaphoriques. Le fantastique engagé était sa raison de vivre. Les meurtrissures de la guerre civile ont fait de lui un réalisateur angoissé. Le cinéaste catalan et Mylène Farmer avaient un ADN commun : un univers fantasmagorique empreint de souffrance et de liberté.

Agustí Villaronga connaît un certain succès auprès du public pour son premier film « Tras El Cristal » (In a Glass Cage/Prison de Cristal). Son long métrage « El niño de la luna » est quant à lui présenté en compétition à Cannes en 1989. Lors de la 25e cérémonie des Goyas, il remporte les Prix Goya du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario adapté pour son film « Pain noir » (Pa negre), un film étrange et passionnant, récompensé de neuf prix. L'étrangeté, le fantastique, l'horreur ne vous rappellent rien ? « Ghostland » bien sûr ! Un film réalisé par Pascal Laugier dans lequel jouait une certaine Mylène Farmer. Des mondes décidément très proches que sont ceux des deux réalisateurs et de notre popstar.

Clip « Fuck Them All » – Crédits : Claude Gassian (photographe), Stuffed Monkey (©)
Clip « Fuck Them All » – Crédits : Claude Gassian (photographe), Stuffed Monkey (©)

La comparaison s'arrête à cette atmosphère baroque. Avant « Ghostland », il y a le sulfureux « Fuck Them All ». Ce n'est pas Pascal Laugier, mais Agustí Villaronga qui est à la réalisation. Il est sur un terrain connu, presque tel un poisson dans l'eau. La quasi gémellité avec Mylène le met immédiatement en confiance. Le réalisateur est fasciné par les gros plans anatomiques sur les torses, les mains ou des yeux. Il va s'en servir ! On retrouvera d'ailleurs dans le clip le célèbre zoom sur l’œil de Mylène. Il y a la cage suspendue dans le vide. Mylène avait lancé cette idée qui a beaucoup plu à Agustí Villaronga. L'histoire est inspirée de l’œuvre « Les épouvantails » du dessinateur suisse Martial Leiter. Le tournage a lieu à Bucarest dans un climat très froid. La neige est au rendez-vous. Tous les ingrédients sont là pour réussir un clip typiquement de l'univers Farmerien.

Il y a les poètes, les charmeurs de mots, les chantres qui stimulent l'imagination. Et il y a les magiciens de l'image qui, pour notre plus grand bonheur, sont des manipulateurs n’hésitant pas à mettre du piment dans leurs œuvres et bluffer le spectateur. Agustí Villaronga était de ceux-là. Il n'a pas fait le Cours Florent comme Mylène, école mondialement connue, mais a suivi des études d’histoire de l’art à l’université de Barcelone. Il a été ensuite professeur de science de l’image, critique de cinéma, directeur de théâtre et acteur. Certains ont pu le voir dans « Les siffleurs » de Cornelius Porumboiu. Trois de ses films seulement ont été distribués en France.
Il s’agit d’abord de son second long métrage de fiction, « El niño de la luna » (1989, Goya du meilleur scénario original), un drame fantastique sur un enfant fuyant une organisation secrète afin de rejoindre l’Afrique pour l’accomplissement d’une prophétie ancienne. Primé à Berlin, « El mar » (2000) est l’histoire de trois gamins témoins des horreurs de la guerre civile, et qui se retrouvent dix ans plus tard. Enfin, « Pain noir » (2010), dans un même cadre historique et, sur un sujet similaire, ce film dresse une intrigue complexe, tout en cernant la perte de l’innocence enfantine. C’est le plus grand succès public du réalisateur et un triomphe aux Goya (les César espagnols), avec neuf trophées. Le désir d'expérimentation audiovisuelle mélangeant les genres, les styles, et les formats filmiques a séduit Mylène.

 Agustí Villaronga aux Goya Awards en 2011 – Crédits : Gala (©)
Agustí Villaronga aux Goya Awards en 2011 – Crédits : Gala (©)
Photo : Garcia-Santos, El País (©)
Photo : Garcia-Santos, El País (©)

Agustí Villaronga ne cachait pas son cancer. Il nous a quittés alors qu'il était âgé de 69 ans. Le réalisateur est décédé chez-lui à Barcelone, laissant inachevée l'adaptation du livre de Mercè Rodoreda, « La mort et le printemps », projet auquel il tenait particulièrement. 

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